Histoire d’un saccage

Je me souviendrai longtemps de ce samedi 24 juillet 2010. Le temps était radieux et je rentrais chez moi avec la sensation du devoir accompli. Je m’étais levé très tôt et après une dure matinée de travail au champ et au silo, je venais de finir la récolte du blé 2010. Je venais de passer la moissonneuse à mon collègue, à qui il restait encore une bonne journée de travail. J’allais juste me mettre à table quand la gendarmerie m’appela pour me prévenir qu’une de mes parcelles de tournesol avait été détruite au lieu dit Houchinière à Saint-Branchs (en Indre-et-Loire). Ce genre de nouvelles, je ne les entendais qu’à la radio d’habitude. Et pourtant, c’était bien chez moi que les faucheurs volontaires venaient de sévir. Cela fait une drôle d’impression d’être tout à coup à la Une des médias de la région.

J’avais mis en place 7 hectares d’essai avec 34 variétés différentes dont 5 tournesols dits tolérants. C’est une nouvelle technologie qui permet de venir à bout des chardons en utilisant très peu de désherbant. On avait même organisé une visite technique régionale en juin qui avait rassemblé 250 personnes. Un vrai succès. Cette réunion était publique, les essais bien visibles et pancartés. Les publications dans la presse spécialisée nombreuses. Il n’y avait aucune raison de redouter l’action de faucheurs. Tout est transparent chez moi : tout le monde sait ce que je cultive et ce que je sème. Les techniques que j’ai mises en place sont connues et homologuées ; les variétés sont déjà commercialisées à grande échelle. Alors quand j’entendis, par la suite, les faucheurs volontaires dire qu’ils avaient détruit des « OGM cachés », je me dis que, vraiment, s’il n’y avait rien de caché, c’était bien ici !

Au final, les faucheurs ont détruit 6000 m². Sans scrupule. Sans sentiment. Certains pieds de tournesol étaient cassés à 50 cm de hauteur, d’autres avaient la tête coupée et d’autres encore étaient comme passés sous un rouleau. Un vrai désastre. Comme moi, vous auriez ressenti un haut le cœur devant cette parcelle rasée. Quelques tracts et tee-shirts « faucheur volontaire » gisaient sur le sol. Les jalons indiquant le nom des variétés étaient brisés.

J’avais l’impression que ma parcelle était un cimetière? Pourtant, elle avait du potentiel et j’avais hâte de récolter pour connaître tous les résultats. C’est qu’ils étaient beaux mes tournesols.

Une foule de sentiments m’envahirent sans que je puisse vraiment dire lequel dominait. Colère et dégoût revenaient le plus souvent. Je ne souhaite à personne de vivre une telle destruction. Car on a beau dire, c’est très violent de voir son travail anéanti.

Des voisins avaient vu une cinquantaine de voitures de faucheurs volontaires squatter les abords de mon champ. Des journalistes télé avaient même été invités à assister à la destruction ! Comme si c’était un spectacle de filmer la destruction du bien d’autrui !

Si aujourd’hui nous acceptons le saccage d’un champ qu’accepterons-nous demain ? Puis-je vous poser une question : accepteriez-vous de voir des gens détruire votre potager au prétexte qu’ils estiment qu’ils ne sont pas d’accord avec la variété de carotte que vous avez planté ? Accepteriez-vous de voir des gens brûler votre voiture au prétexte qu’ils estiment eux, que votre auto ne respecte pas l’environnement ? Comme vous, je ne peux m’y résoudre et garder le silence. Il y a là une forme de terrorisme.

Il y a eu de nombreuses destructions de champs ces dernières années mais jusqu’à maintenant, nous autres agriculteurs, nous avons préféré faire le dos rond. Nous ne sommes pas des professionnels de l’agitation publique contrairement aux faucheurs volontaires. Nous sommes donc retournés à nos champs. Mais aujourd’hui, trop, c’est trop. Il est urgent de prendre la parole.

Il y a la justice pourrait-on dire ? J’ai déposé plainte et j’espère toujours que la date d’un procès soit décidée. Je n’ai aucune nouvelle. J’attends toujours? et je risque d’attendre encore.

Côté financier, la perte est douloureuse : c’est un mois de salaire pour moi ! Mon assurance refuse de la prendre en charge. Sans compter tout le temps passé à mettre en place des parcelles. Un temps que personne ne me remboursera non plus?

Mais au fait, une question me taraude. Les faucheurs volontaires paradent à la télévision, à la radio. Alors qu’ils sont venus chez moi en catimini pour tout saccager. Vous trouvez cela normal ?

Qui leur répondra ? Qui osera leur dire : « vos méthodes sont violentes et anti démocratiques ». C’est pour cela qu’aujourd’hui, avec mes collègues victimes des faucheurs, nous avons besoin de votre soutien. Si, comme nous, vous ne souhaitez plus que cela se reproduise, soutenez nous. Donnez de la voix. Plus nous serons nombreux à dire stop, plus notre voix portera auprès des Ministères et des médias.

Que vous soyez agriculteur ou non, nous devons réagir pour dire STOP aux fauchages !

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